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Mar8

20 ans après leur destruction, les Bouddhas de Bamiyan ressuscitent au musée Guimet

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20 ans après leur destruction, les Bouddhas de Bamiyan ressuscitent au musée Guimet


Suite à la destruction des deux grands Bouddhas sculptés qui ornaient la falaise de Bamiyan, en Afghanistan, le musée des arts asiatique- Guimet à Paris a choisi de commémorer les 20 ans de leur disparition en leur consacrant une exposition du 24 février au 21 juin 2021.

 

Extrait panoramique de la falaise de Bamiyan, en Afghanistan.
 

Le 11 mars 2001, huit mois à peine avant les attentats du World Trade Center, à New York (États-Unis), les deux bouddhas géants de Bamiyan (Afghanistan) étaient réduits en miettes, dynamités par les Talibans, dans une attaque inédite d’un monument classé au patrimoine mondial de l’humanité par l’Unesco.
 

Les alvéoles béantes laissées par les deux bouddhas de Bamiyan

La destruction prémonitoire de ces deux impressionnants vestiges bouddhiques de 53 mètres et 38 mètres de haut faisait ainsi entrer le monde dans un 21e siècle nimbé de lueurs crépusculaires. Ces deux colosses se dressaient sur la célèbre route de la soie – qui traversait la vallée - depuis le 6e siècle, taillés dans une falaise aux pieds des monts de l’Hindou Kouch, à une centaine de kilomètres de Kaboul. Ils n’ont laissé, visibles aujourd’hui encore, que de grandes alvéoles béantes.

 

Niche vide d'un des deux bouddhas de la falaise de Bamiyan, après destruction. Crédits: Courtesy Pascal Convert
 

Pour commémorer cette disparition, le Musée Guimet à Paris, vient d’inaugurer une exposition-dossier intitulée « Des images et des hommes, Bamiyan 20 ans après », rappelant cet adage maintes fois vérifiés « ce qu’on fait aux images, on le fait aux humains ». Mantra que ne cesse de répéter Sophie Makariou, la présidente du Musée national des arts asiatiques, commissaire de l’exposition.

 

L'Occident découvre les deux bouddhas avec la "Croisière jaune"

Dans l’attente de la réouverture espérée du musée à l’issue de la crise du Covid-19, cette exposition (que l'on peut visiter virtuellement) a été installée au troisième étage de l’illustre bâtiment de la place d’Iéna et devrait se prolonger au-delà du 21 juin. Dans l’espace de 50 m2 qui lui sert d’écrin, on est saisi dès l’entrée par les 16 mètres de la spectaculaire photo panoramique, « empreinte » de l’actuelle falaise de Bamiyan, réalisée à partir de 4000 clichés par le photographe plasticien Pascal Convert. Une restitution dont le réalisme permet presque d’effleurer la texture de la roche. Reproduite par un procédé de tirage photographique utilisé au 19e siècle qui utilise des sels de platine, l’image devient inaltérable.

 

Partie est de la falaise de Bamiyan (Afghanistan), et ses vestiges de grottes bouddhiques. Plus de 700 y ont été occupées pendant des siècles. Crédits: Courtesy Pascal Convert
 

Les Orientaux connaissaient l’existence du site bouddhique de Bamiyan depuis des siècles, sa mention apparaissant dans des textes chinois du 5e siècle et dans des chroniques du 9e siècle rédigées par des auteurs arabes et iraniens, à l’instar du savant musulman Al-Bîrûni (973-1048). Mais c’est surtout par des photos prises à partir du 19e siècle, et principalement dans les années 1930 lors de la « Croisière Jaune », le célèbre raid automobile organisé par André Citroën, que l’Occident a véritablement découvert les deux bouddhas que les habitants appelaient affectueusement « Salsal » (la lumière éclaire l'Univers) et « Shamana » (Reine mère).

 

Le Grand Bouddha de Bamiyan photographié dans les années 1930. Crédits: Archives photographiques du MNAAG
 

Orient et Occident, ces mondes jusque-là aux antipodes, s’étaient en fait déjà croisés 2200 ans plus tôt, au 4e siècle avant notre ère, quand les armées d’Alexandre le Grand avaient atteint les rives de l’Indus en 333 av. J.C. D’où ces influences indiennes et grecques et le mouvement artistique dit art du Gandhara (anciennement appelé gréco-bouddhique) dont sont précisément issus les Bouddhas de Bamiyan. Des bouddhas dont l’image était représentée pour la première fois sous forme humaine.

 

 Cette main de bouddha dorée à la feuille d'or est un des rares vestiges bouddhiques survivants, provenant du site de Bamiyan, conservé au musée Guimet, à Paris. Crédits : MNAAG

 

Le couple Hackin, pionnier de l'archéologie


L’exposition du musée Guimet est aussi l’occasion de revenir sur les liens particuliers entretenus entre l’Afghanistan et l’archéologie française, avec des vitrines consacrées au couple d’archéologues fouilleurs de Bamiyan, Ria et Joseph Hackin (1905-1941 et 1886-1941), conservateurs du musée d’art asiatique parisien. Les travaux de ces chercheurs-pionniers en Afghanistan sont présentés par des lettres, dessins, photos et carnets de terrain. Autant de précieux témoignages avant leur mort tragique au cours de la Seconde guerre mondiale. La date d’ouverture de l’exposition le 24 février 2021 a en effet été choisie pour rendre hommage aux 80 ans, jour pour jour, de leur disparition au large des îles Féroé après que le navire sur lequel avaient embarqué ces deux résistants, compagnons de l’ordre de la Libération et ralliés dès les premières heures au général de Gaulle, a été torpillé.

 

 Portrait de Joseph Hackin (1886-1941) archéologue et ancien directeur du musée Guimet, à Paris. Crédits: Archives photographiques du MNAAG

 

"Nous avons voulu donner une vision de résistance aux destructions de la falaise de Bamiyan qui irrigue cette exposition dédiée au couple Hackin mais qui anime aussi les populations Hazara chiites, minoritaires, qui continuent à vivre dans cette vallée", insiste Sophie Makariou. "Les bouddhas sont morts comme des hommes, nous vivons comme des pierres", avait résumé en une phrase poignante une femme hazara à la journaliste Florence Aubenas, en 2002.

 

Gouache sur toile de Boddhisattvas de la grotte K de Bamiyan, réalisée par Jean Carl, en 1935. Crédits: MNAAG/RMN

 

Après ce dynamitage et les autres destructions iconoclastes qui les ont accompagnées, il ne reste plus rien aujourd’hui des fresques bouddhiques qui étaient visibles dans les 700 grottes creusées dans la falaise de Bamiyan. Jamais montrés, les relevés effectués par les archéologues dans les années 1930 que présente l’exposition, en sont aujourd’hui les seules et uniques traces. Ces copies ont désormais valeur d’originaux, exécutées pour certaines par l’architecte Jean Carl, ami du couple Hackin, qui travaillait avec eux en Afghanistan et qui se suicida en apprenant leur mort. Grâce au système du partage de fouilles en cours dans les années 1930, trois mains de Bouddhas de Bamiyan ont pu être conservées au musée Guimet. Elles sont les seuls vestiges survivants de la falaise, ceux qui se trouvaient au musée de Kaboul ayant tous été détruits par les Talibans lors de la prise de la capitale d’Afghanistan en1996. L’une de ces mains porte encore la trace de feuilles d’or, symbole de la chair irradiante du bouddha. Le Louvre-Lens commémorera également cet événement à partir du 11 mars en présentant d’autres photos de Pascal Convert.

 

www.sciencesetavenir.fr

 

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