Blog
Détruit par Daech, le musée de Mossoul renaît de ses cendres grâce à la coopération internationale
Détruit par Daech, le musée de Mossoul renaît de ses cendres grâce à la coopération internationale
Le musée de Mossoul © Thomas Raguet - ALIPH
Grâce à la coopération entre les autorités irakiennes, le musée du Louvre et plusieurs autres partenaires, le chantier de réhabilitation du musée de Mossoul bat son plein. Les équipes espèrent le voir rouvrir d'ici quelques années.
C’est un triste anniversaire que les habitants de Mossoul ont fêté le 26 février dernier : celui des six ans de la destruction de leur musée par les combattants de l’État islamique (EI). Le 26 février 2015, quelque huit mois après la prise de la ville par le groupe armé, une vidéo montrant la destruction de nombreux trésors artistiques et archéologiques préislamiques par Daech avait fait le tour du globe et provoqué un fort émoi international. L’UNESCO avait alors qualifié ces actes de « stratégie de terreur » et appelé à la mobilisation internationale. C’est ainsi qu’après la reprise de la ville en juillet 2017, le Musée du Louvre, la Smithsonian Institution, le World Monuments Fund (WMF) et l’Alliance internationale pour la protection du patrimoine dans les zones en conflit (ALIPH) ont travaillé avec les autorités irakiennes pour rebâtir le musée et assurer la protection des restes de ses collections.
Une mobilisation sans précédent
Véritable opération de sauvetage, la coopération entre les différentes institutions est de grande ampleur et « permettra à la ville de guérir », selon Omar Mohammed, historien à l’Université de Mossoul et créateur du blog Mosul Eye, qui a documenté pendant deux ans l’occupation de Mossoul par l’Etat islamique, avec qui Connaissance des Arts s’est entretenu. Après avoir stabilisé le bâtiment en 2018, les équipes locales se sont attelées à la documentation et à la restauration des pièces qui pouvaient l’être. L'ALIPH a dans un premier temps débloqué plus d’un million d’euros pour appuyer la rénovation, puis les équipes du Louvre et de la Smithsonian Institution ont pris en charge l’aspect technique des opérations. Le plan d’action, coordonné par le Louvre et rendu public fin 2019, a d’abord consisté à trier, nettoyer et documenter les pièces, puis à les restaurer dans un laboratoire de conservation créé sur place, pour ne pas avoir à déplacer les objets.
Une chercheuse en train de classer des éléments au musée de Mossoul © Thomas Raguet – ALIPH
Pour cela, l’aide des deux institutions a été à la fois matérielle, avec l’acheminement de divers produits et d’ordinateurs, mais aussi technique, puisqu’elles ont mis à la disposition des équipes irakiennes des séries de vidéos en arabe sur les procédés de restauration de la pierre. Grâce à l’apport du WMF, qui s’est joint au consortium fin 2020, une expertise est menée depuis le mois de février 2021 pour préparer la reconstruction et la réhabilitation définitive du musée de Mossoul. D’ici quelques années, les équipes espèrent avoir redonné une partie de sa superbe au deuxième musée d’Irak et permettre au public de le visiter en toute sécurité. Comme nous l’a aussi expliqué Omar Mohammed, « cela donne également un espoir de retour des visiteurs, des chercheurs, des archéologues et des écrivains étrangers. Mossoul a une longue histoire d’attractivité internationale ». Selon ses propres mots, cette coopération avec de nombreuses institutions « replace Mossoul sur la carte du monde ».
L’intérieur du musée
Des trésors à jamais perdus
Le musée de Mossoul renfermait de nombreux trésors préislamiques, assyriens et parthes, dont une grande partie a été détruite par l’acharnement méthodique de l’État islamique. Considérant cet art comme « anti-islamique », les combattants de l’EI ont littéralement pulvérisé, à coups de masses et de marteaux-piqueurs, une grande partie du patrimoine irakien, notamment de grandes statues comme le Lion de Nimrud, la stèle du banquet du roi d’Assyrie Assurnasirpal II (884-859 av. J.-C.) ou encore un Lamassu (une sorte de sphinx mésopotamien) géant. Même si les trois quarts du musée ont été détruits, le quart restant accueille toutes les semaines des expositions d’artistes mossouliotes, toujours selon Omar Mohammed. Pour lui, la reconstruction ne se limite pas au musée de Mossoul : il s’agit de rebâtir un système éducatif qui inclut l’héritage culturel, notamment avec la création de bourses, et de revitaliser la scène artistique irakienne. « Nous avons le peuple de notre côté », nous a-t-il déclaré.
Lamassu de Nimrud, IXe siècle, British Museum © Wikimedia Commons
Tout comme avaient pu le faire les Talibans en détruisant les Bouddhas de Bamiyan, Daech entendait réécrire l’histoire de la région pour asseoir l’hégémonie du califat islamique et affirmer la prédominance de l’islam sunnite salafiste sur les autres groupes ethno-religieux. Bien au-delà, c’est « l’identité et l’histoire de la ville et de ses habitants, et pas seulement une frange de l’histoire » qui était visée, selon Omar Mohammed. L’État islamique ne se contente pas seulement de détruire le patrimoine mais en fait également commerce. Ce marché noir permet de financer son expansion en vendant des statues et autres objets patrimoniaux. L’UNESCO estime en effet que le trafic de biens culturels est le troisième trafic le plus lucratif au monde, en particulier pour des groupes armés non-étatiques comme l’EI. Pour Omar Mohammed, cette reconstruction, en diffusant la connaissance et en luttant contre l’obscurantisme, est donc « une réponse très importante contre le terrorisme » et permettra également de réclamer plus facilement les artefacts vendus au marché noir.
La sécurisation de l’édifice est la mission première des équipes travaillant sur le chantier du musée de Mossoul © Thomas Raguet – ALIPH
www.connaissancedesarts.com
Bu yazı hakkında yorum bulunamamıştır. İlk yorumu siz ekleyebilirsiniz >