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May12
Art précolombien : course contre la montre pour sauver les peintures murales millénaires du Rio Grande
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Art précolombien : course contre la montre pour sauver les peintures murales millénaires du Rio Grande
Les archéologues texans doivent faire face à plusieurs menaces qui pèsent sur le patrimoine précolombien du Rio Grande, les inondations et les cartels entre autres ©Shumla Archaeological Research and Education Center
Menacé par les fréquentes inondations et par les cartels, l'art mural précolombien du Rio Grande (Mexique) nécessite une intervention archéologique urgente, avant d'être perdu à jamais. Les chercheurs de l'Alexandria Project travaillent donc d'arrache-pied à la documentation et à la préservation de cet art extrêmement sophistiqué.
Documenter des vestiges artistiques menacés avant leur possible destruction, voilà la mission de l’Alexandria Project. Cette équipe d’archéologues travaille sur le site des Lower Pecos Canyonlands, autour du Rio Grande, fleuve qui délimite une grande partie de la frontière entre les États-Unis et le Mexique, où de nombreuses traces iconographiques de populations précolombiennes subsistent. Néanmoins, les inondations fréquentes et l’occupation des sites par des trafiquants de drogue rendent l’opération aussi urgente que complexe. Le très grand nombre de pictogrammes et leur sophistication rendent également la démarche longue et fastidieuse. Elle est pourtant capitale pour la sauvegarde du patrimoine des communautés indigènes américaines, dont l’histoire et la mémoire ne sont pas toujours traitées à leur juste valeur.
Une tâche titanesque
Le groupe de chercheurs ne s’est pas nommé « Alexandria Project » par hasard. Ce nom fait directement référence au grand incendie de la bibliothèque d’Alexandrie (47 avant J.-C.) qui a occasionné la destruction de plusieurs dizaines de milliers de précieux manuscrits. L’idée derrière cet intitulé est de souligner l’urgence absolue autour de la préservation de l’art mural du Rio Grande. Doté de 3 millions de dollars (soit 2,5 millions d’euros) et couvrant près de 230 sites différents, il reflète l’immensité du savoir contenu dans cet espace frontalier. L’ensemble des pictogrammes et des peintures murales précolombiennes identifiées sont datés d’entre 4200 et 1500 ans et représentent des scènes complexes incluant des humains, des animaux et des rituels à l’aide de pigments de couleur rouge, blanche, jaune et noire.
Après avoir réussi à faire inscrire les sites au National Historic Landmark, un registre qui regroupe les sites historiques les plus importants des États-Unis, les archéologues ont entamé la première phase de leur opération de préservation. Celle-ci était constituée de la prise de photographies extrêmement précises des dessins, de la création de modèles 3D à partir de ces images et de la récolte de données iconographiques. Après la fin de cette opération, en décembre dernier, les chercheurs ont débuté la phase 2, qui permettra de réunir des descriptions et analyses précises sur l’ensemble des œuvres, de créer des liens entre elles mais aussi de les dater, notamment par radiométrie. L’équipe de l’Alexandria Project reste néanmoins lucide sur son action. Selon l’archéologue Carolyn Boyd, qui supervise le projet, « une documentation pleine et entière de toute la région représente le travail non pas d’une, mais de plusieurs vies ».
De multiples entraves
Les archéologues sont assistés dans leur travail par une peintre texane, Ashley Busby, qui étudie et reproduit les motifs à la manière (supposée) des populations autochtones qui se sont succédées entre le IIe millénaire av. J.C. et le VIe siècle ap. J.-C. pour identifier l’ordre d’application des pigments, et d’en dégager une signification dans un second temps. Grâce à cette aide, un certain nombre de subtilités sont apparues aux chercheurs. Sur l’un des pictogrammes, représentant la respiration humaine, le travail de l’artiste a permis d’identifier que les mouvements d’inspiration et d’expiration de l’air étaient symbolisés par un sens de peinture différent. Pour Carolyn Boyd, qui supervise l’Alexandria Project, « Tout dans les peintures murales est porteur de sens – pas seulement les images ou leur forme et leur couleur, mais même le processus des artistes, y compris l’ordre dans lequel la peinture a été appliquée, l’endroit où elle est placée dans le paysage et la façon dont le Soleil et la Lune interagissent avec les images ».
Les pictogrammes du Rio Grande présentent de hauts niveaux de sophistication, ce qui les rend d’autant plus intéressants © Carol Highsmith – Picryl
Le travail de l’équipe de quatre à six archéologues sur le terrain a néanmoins été freiné par le contrôle exercé par les cartels sur certaines zones. Ne se sentant pas en sécurité, bien qu’ils n’aient jamais croisé la route des trafiquants, les chercheurs sont toujours accompagnés d’hommes armés. Grâce au classement au registre NHL, ils ont également pu pénétrer sur les propriétés privées où nombre de pictogrammes se trouvent, inaccessibles jusqu’alors. Aujourd’hui la conservation de ces œuvres très anciennes se fait en concertation avec les propriétaires des lieux, selon un modèle qui, selon les participants au projet, fonctionne correctement.
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